Les pesticides en accusation

Les pesticides, largement utilisés, polluent le monde entier (on les retrouve dans les glaces de l’Arctique) et font des dégâts. Il ne se passe pas de jours sans que soit soulevé le problème de la contamination des fruits et légumes par ces derniers, posant la question d’une autre agriculture.

Le but de cet article est de faire le point sur les effets des pesticides sur les personnes amenées à être en contact avec ces derniers dans le cadre de leur travail.

Il s’agit surtout des agriculteurs, mais de nombreuses professions non agricoles sont également concernées : métiers du jardinage, du paysagisme et des espaces verts, les métiers du bois, ceux de l’hygiène publique et la désinsectisation, les horticulteurs qui ont utilisé massivement des produits dangereux, qui plus est  souvent en famille et de père en fils, sans oublier l’exposition des ouvriers dans l’industrie de production.


Une multitude de produits

Les pesticides regroupent plus de 1000 substances avec une perpétuelle évolution : interdiction de substances qui se sont révélées (trop tard) dangereuses pour l’être humain ou l’environnement et mise sur le marché de nouvelles substances sans qu’on soit sûr en fait de leur totale innocuité.

Les pesticides sont classés soit par familles chimiques tels que organochlorés, organophosphorés, pyréthrinoïdes, carbamates, néocotinoïdes …, soit par leur mode d’action sur les organismes cibles (herbicides, insecticides, rodenticides, fongicides …).

La France est l’un des premiers utilisateurs mondiaux de pesticides. On parle plutôt de produits phytosanitaires pour ne pas effrayer. En se bornant à l’aspect professionnel, on estime qu’une large population est concernée (plusieurs millions), en rappelant une utilisation non négligeable à usage domestique.

La multiplicité des produits et de leurs modes d’utilisation avec une variabilité importante dans le temps rend difficile la reconstitution historique des expositions, sachant que les effets constatés actuellement sont la conséquence d’expositions pouvant remonter assez loin dans le passé.

Dans les circonstances professionnelles, la voie cutanée est la voie principale de pénétration dans l’organisme, suivie par l’inhalation, rendant difficile l’évaluation des doses imprégnant ou ayant imprégné l’organisme humain, à moins de recourir à des examens biologiques spécialisés.


Une histoire mouvementée, émaillée de catastrophes

Le pesticide le plus célèbre et le premier utilisé est le DDT (depuis les années 40) qui a permis à cette époque à lutter contre les insectes vecteurs du paludisme et du typhus, mais dont l’utilisation a été par la suite abandonnée puis interdite (dans les années 70) pour plusieurs raisons.

La première raison est sa toxicité potentielle pour l’homme. Il a été classé cancérogène probable chez l’homme (groupe 2A) par le CIRC (Centre international de recherche contre le cancer) en 2015, responsable de cancers du foie et du testicule, de lymphomes malins non hodgkiniens.

D’autre part il s’accumule dans l’environnement, notamment dans les organismes aquatiques avec une extrême persistance et il présente l’inconvénient de produire des résistances chez les insectes à combattre.

Alors que l’utilisation du DDT l’était dans un but humanitaire, la guerre du Vietnam dans la décennie 61/71 est le théâtre de l’utilisation d’un herbicide comme arme meurtrière et ce par un pays démocratique.

Il s’agit de l’agent orange, surnom d’un mélange de produits chimiques contenant de la dioxine et  avec des propriétés défoliantes dont l’épandage par avions avait pour but de tuer la flore et de mettre à nu les couverts végétaux abritant l’ennemi.

La dioxine est un puissant toxique, hautement cancérigène qui a contaminé des  millions de personne et pollué durablement les sols et les eaux et dont les effets se font encore sentir.

La dioxine est classée par le CIRC comme cancérogène avéré pour l’homme (groupe 1) et elle est tenue responsable de la survenue d’un certain nombre de cancers (poumon, lymphome malin non hodgkinien, sarcome des tissus mous …), d’effets tératogènes (enfants malformés, enfants morts-nés, fausses couches) et d’autres pathologies (maladies de la peau, du système nerveux …).

Dans la suite de cet épisode funeste, va éclater un autre scandale lié à l’utilisation massive de 1972 à 1993 d’un pesticide (un insecticide) ultra-toxique dans les bananeraies de Guadeloupe et de Martinique, le chlordécone.

Le chlordécone est un perturbateur endocrinien reconnu comme neurotoxique et altérant la fertilité avec des effets négatifs sur le développement cognitif et moteur des nourrissons. Il est par ailleurs cancérigène, responsable de cancers de la prostate.

L’ensemble des Antilles est contaminé par ce produit : sols, rivières, animaux, poissons, légumes et la population elle-même. Et cette contamination va durer longtemps car la molécule est très persistante dans l’environnement.

Le dernier épisode notable concernant les pesticides est le classement par le CIRC d’un herbicide largement utilisé, le glyphosate (ou round up) dans la catégorie 2 A (cancérogène probable) qui a rendu le fabricant  (la firme Monsanto aujourd’hui Bayer-Monsanto) furieux.

En effet à terme un tel classement devrait aboutir à une diminution de l’utilisation de ce produit et plus encore à l’interdiction dans un certain nombre de pays, mais cette dernière option est encore objet de controverses.

Le glyphosate est tenu comme responsable de la survenue de lymphomes malins non hodgkiniens.


Les cancers liés aux pesticides

L’historique succinct précédent laisse entrevoir que chaque produit présente des effets qui peuvent être différents et qu’en matière de toxicologie il faut les analyser un par un, ce qui est un énorme travail au vu du nombre de produits utilisés.

Aussi dans un souci de simplification, il a été décidé en matière de reconnaissance en maladie professionnelle d’englober tous les produits sur le même vocable « pesticides » pour caractériser le facteur de risque susceptible de provoquer la maladie faisant l’objet du tableau de maladie professionnelle.

En annexe des tableaux concernés il est précisé : « Le terme pesticides se rapporte aux produits à usages agricoles  et aux produits destinés à l’entretien des espaces verts (produits phytosanitaires ou produits phytopharmaceutiques) ainsi qu’aux biocides et aux antiparasitaires vétérinaires, qu’ils soient autorisés ou non au moment de la demande » .

Le régime agricole, dont les adhérents aussi bien agriculteurs que salariés sont fortement concernés par l’exposition aux pesticides, fait l’objet de deux tableaux de cancers liés aux pesticides (consultables sur internet).

Le 1er tableau, n°59, concerne le lymphome malin non hodgkinien en précisant qu’en fait également partie la leucémie lymphoïde chronique et le myélome multiple. La liste des travaux susceptibles de provoquer la maladie est indicative, l’exigence essentielle étant  des « travaux exposant habituellement aux pesticides ».

Le délai de prise en charge, c’est à dire le délai entre la fin de l’exposition et la première constatation médicale de la maladie est de 10 ans, sous réserve d’une durée d’exposition de 10 ans.

Le 2ème tableau concerne le cancer de la prostate, faisant également l’objet d’une liste indicative avec un délai de prise en charge de 40 ans, sous réserve d’une durée d’exposition de 10 ans.

Le cancer de la prostate a été également intégré aux tableaux des maladies professionnelles du régime général sous le n°102, avec un délai de pris en charge et une durée d’exposition identiques, mais un liste des travaux qui cette fois-ci est limitative, ce qui peut créer des difficultés (non insurmontables) pour la reconnaissance.

Pour rester dans le domaine des cancers, il convient de signaler que l’arsenic dont certains composés ont été abondamment utilisés par le passé comme insecticides et fongicides notamment en viticulture est classé par le CIRC comme un cancérogène avéré pour l’homme (groupe 1 A).

Il fait l’objet de tableaux de maladies professionnelles aussi bien dans le régime général (n°20 et 20 bis) que dans le régime agricole (n°10) avec mention de cancers de le peau, du foie, du poumon … Le dernier composé à être utilisé en viticulture, l’arsenite de sodium, est interdit en France depuis 2001 dans ce type d’utilisation.


Les atteintes non cancéreuses liées aux pesticides

Comme pour les cancers nous n’entrerons pas dans le détail de chaque produit,  en ne tenant compte que d’une exposition globale aux pesticides sans distinction.

La maladie de Parkinson en lien avec une exposition aux pesticides est actuellement bien documentée et fait l’objet d’un tableau de maladie professionnelle dans le régime agricole, le tableau n°58. La liste des travaux est indicative et le délai de prise en charge est de 7 ans sous réserve d’une durée d’exposition de 10 ans.

En restant maintenant en dehors des problèmes d’indemnisation, on soupçonne les pesticides d’avoir une part de responsabilité dans la survenue de la maladie d’Alzheimer ainsi que des troubles cognitifs autres chez les agriculteurs.

De même les pesticides seraient susceptibles de provoquer des troubles de la fertilité et de fécondabilité chez les agricultrices avec, chez les femmes enceintes, le risque d’atteinte du fœtus (mort fœtale et surtout malformations congénitales).

Dans le même ordre d’idée il est fait état d’un risque plus élevé de leucémies et de tumeurs cérébrales chez les enfants dont la mère a été exposée durant la grossesse.


La prévention est-elle possible ?

Si la réparation concerne tous les pesticides auxquels les victimes ont été en contact, la prévention ne concerne que les pesticides autorisés en France, sachant qu’un certain nombre a été interdit, soit en raison de leurs effets toxiques sur les humains, soit en raison des dégâts provoqués dans l’environnement.

La gestion du risque est alors régie par le Code du travail à la partie concernant les risques chimiques auquel le lecteur se reportera (R 4411-1 à 4412-164), avec le principe fondamental énoncé de remplacer les produits chimiques dangereux par des produits non dangereux ou moins dangereux.

Dans la mesure où la prévention à la source n’est pratiquement pas possible en raison du mode d’utilisation des pesticides, l’accent devra être mis sur l’utilisation des équipements de protection individuelle (EPI).

L’obligation est faite depuis 2006 aux exploitants agricoles de tenir un cahier d’enregistrement des traitements phytopharmaceutiques (nom et formulation des produits, quantité, dates d’application, identification des parcelles, cultures traitées).

Ils doivent également prendre en compte la présence d’habitations proches des lieux d’épandage, ce sujet étant l’objet de controverses.

L’avenir est dans la diminution de l’utilisation des pesticides, voire leur suppression, dans le cadre d’une agriculture respectueuse de la nature, car il est illusoire, du fait même de leur action, de mettre au point des pesticides non dangereux pour l’homme et l’environnement.  


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